Utiliser la mer ou les eaux usées comme source d’énergie ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces procédés encore peu connus du grand public, tendent à se développer en France. L’augmentation des coûts de l’énergie et la volonté de mettre de côté des énergies fossiles afin de limiter l’impact environnemental et le durcissement réglementaire, poussent les collectivités territoriales à repenser leur gestion du cycle de l’eau.
Karine Parpillon
Directrice des opérations Méditerranée de Dalkia
Mélanie Lanthelme
Chef de projet climat énergie de la ville de Marseille
Alice Bouhours
Directrice du développement EPA Nice Écovallée
Je suis absolument ravie de ce podcast ultra féminin, surtout sur un sujet plutôt en général à tendance masculine. Et puis ici on est à Marseille…
De quoi parle-t-on quand on parle d’utiliser de l’eau dans l’énergie ?
KP – Alors la thalassothermie, qu’est-ce que c’est ? C’est une technique qui permet de récupérer l’énergie contenue dans l’eau de mer.
Alors, de manière assez simple, en hiver, l’eau de mer va être à une température un peu plus élevée que l’air ambiant et à l’inverse, en été, elle va être plus fraîche que l’air ambiant, donc ainsi, on va être capable de chauffer ou climatiser des bâtiments en proximité de cette mer donc dans des cités, par exemple, proches de la Méditerranée, comme nous sommes ici à Marseille.
MN – On peut d’ailleurs citer un exemple, il me semble, dans la ville de Marseille avec Massileo qui alimente une partie du nouveau quartier Euro-Méditerranée grâce à la thalassothermie et donc qui réchauffe et refroidit des logements, mais également des bâtiments tertiaires, toute l’année.
Comment ça fonctionne ?
MN – Alors je vais parler de la ville que je connais donc de Marseille ! A Marseille, on a actuellement 2 réseaux thalassothermiques qui ne sont pas basés sur la même technologie.
En ce qui concerne Massileo, ce sont 2 très gros tuyaux qui sont en sous-sol, qui circulent en bas d’immeuble et qui vont arriver à des sous-stations où la température de l’eau va être soit remontée, soit redescendue en fonction que l’on veuille réchauffer ou refroidir, et qui là vont alimenter les bâtiments qui sont raccordés à cette sous-station.
Je ne sais pas si j’ai tout dit…
KP – Alors, juste au début en fait, pour se dire les choses sur le principe de fonctionnement, l’eau de mer est captée à une température comprise entre 12 et 25°, grosso modo entre été / hiver, à une faible profondeur, entre 5 et 10 M, là à Massileo, dans une zone littorale donc proche d’un port.
Les calories ou les frigories, donc pour produire la chaleur, qui sont contenues dans cette eau de mer, vont être récupérés par un échangeur – en amont de la fameuse boucle d’eau tempérée, on a une zone de captage où on va prendre l’eau de mer, la prélever, la faire passer dans ce qu’on appelle un échangeur et la rejeter dans la mer.
C’est à dire que l’eau de mer n’est absolument pas transformée. Simplement, on lui enlève quelques calories en hiver et on lui en prend quelques-unes en été. Et donc cette eau qui n’est absolument pas transformée – c’est pour ça que c’est parfaitement durable et environnemental – de l’autre côté, elle transfère à cette boucle d’eau tempérée, comme on l’a dit, (tempérée parce qu’il y a quelques degrés d’écart, mais vous voyez 12, 25° ce n’est pas très élevé), on va en pied d’immeuble et là, en pied d’immeuble, on va utiliser des machines frigorifiques – thermodynamiques – qui vont produire du chaud et du froid de manière concomitante avec des très très bons rendements. Bien sûr, on a besoin d’un tout petit peu d’électricité mais, grosso modo, pour un kilowattheure injecté, on va en récupérer 4 ! Donc voilà, c’est pour ça que c’est une technologie qui permet à la fois de récupérer l’énergie de la mer et produire de manière très avantageuse du chaud et du froid et de l’eau chaude sanitaire pour les bâtiments tertiaires ou d’habitat.
Et même si je pense qu’on a la réponse à la question, où peut-on trouver cette solution finalement ? A côté de la mer uniquement ou ailleurs ?
AB – Alors nous, sur Nice, on a aussi la chance d’avoir la mer, et on utilise la même technologie mais sur l’eau de nappe, sur la nappe alluviale du Var, et aussi en sortie de la station d’épuration puisque les eaux de douches, de baignoires, de lave-vaisselle sont chaudes, plus chaudes que ce qu’on aurait dans l’air, et donc du coup, on réutilise cette énergie, avec le même principe des échangeurs – un échangeur, c’est comme une tasse de thé, c’est-à-dire qu’on met de l’eau bouillante et on va venir poser les mains, et en fait la tasse sert d’échangeur thermique.
Et c’est le même principe en pied d’immeuble et du coup, on alimente aussi tous nos quartiers avec ces réseaux
AV – Et vous pourriez aussi récupérer celle de la mer, non ?
AB – Oui alors on pourrait mais on a un petit obstacle qui est l’aéroport de Nice, et du coup, on a fait plutôt le choix de la station d’épuration qui était aussi à proximité.
D’accord ; donc, en fait, il y a plein de façons de la récupérer, donc j’imagine que c’est un énorme potentiel ?
KP – Et bien, la mer, déjà, c’est illimité évidemment ! Et puis après, des stations d’épuration, on en a dans toutes les grandes villes également.
La géothermie peu profonde, c’est à dire des nappes d’eau situées à 30-40 M de profondeur, il y en a dans beaucoup d’endroits aussi en France. Donc en fait, on équilibre nos fameuses machines thermodynamiques avec cette source qui peut être soit de la géothermie, soit de l’eau de mer, soit de l’eau épurée – ou chargée d’ailleurs en entrée de STEP, ça existe aussi, vers Antibes, il y en a aussi.
Donc voilà, on donne une 2ème vie à des eaux usées où on utilise la ressource énergie de la mer qui a plein d’autres ressources par ailleurs.
MN – Et je crois ne pas me tromper, mais dans la ville de Paris, on le fait également sur la Seine.
On a vu quand même quelques avantages, est-ce qu’on peut tous les énumérer ? Ou peut-être quasiment tout parce qu’après on va avoir les inconvénients, j’imagine qu’il y a quand même forcément des problématiques sinon ce serait trop facile !
AB – Alors, les avantages, ils sont d’abord évidemment écologiques. On est sur une ressource locale, sur une ressource durable. On l’a dit, ce sont des eaux qui sont rejetées, donc qui auraient été perdues.
On a aussi un vrai avantage sur la puissance en fait. Quand vous faites chauffer des pâtes, si vous mettez de l’eau très froide au départ, il faut allumer très fort le feu pour que ça monte en température. Là, en fait, on a une eau qui est déjà en température donc de ce fait, l’effort à produire pour arriver à l’eau bouillante va être moindre et c’est là tout l’avantage de ce système. Et puis on a beaucoup moins de CO 2 émis, on n’a pas de transport – enfin nous étant à Nice, on est à 400 km des premières centrales – et bien là, c’est sous nos pieds donc les avantages écologiques sont évidents.
KP – Ce que ça permet aussi, notamment dans nos zones un peu chaudes en Méditerranée, c’est de rafraîchir, climatiser l’été et sans faire des îlots de chaleur. Tout le monde sait que, quand on met une climatisation, ça rejette sa chaleur dans l’air – en fait, les spleet systems qu’on va sortir – et bien là, ce n’est pas le cas. En fait, on va rejeter la chaleur dans le fameux réseau d’eau tempérée et du coup, à l’échelle du quartier, on n’aura aucun îlot de chaleur. Donc ça permet aussi d’utiliser la ressource locale et de préserver le bien-être du quartier.
MN – Dans le cas de la ville de Marseille, on est dans une ville qui est très, très dense et où le problème, dès qu’on veut lancer une nouvelle solution de chauffage, de refroidissement, qu’importe, c’est le foncier. On a très peu de place pour les installations. Il est beaucoup plus facile de connecter un bâtiment à une boucle qui est déjà en place et qui va demander simplement d’avoir une sous-station, un échangeur simple en fonction du système, plutôt que de venir mettre une véritable chaufferie pour tout un bâtiment. Donc en termes de gain de place également, c’est plutôt avantageux.
AB – Et j’ajoute aussi une raison qui n’est pas écologique mais économique. C’est vrai qu’il y a un autre avantage qui est que, ne dépendant plus des fluctuations du prix de l’énergie fossile, on a un prix beaucoup plus constant. Ce qui a quand même pour les usagers un vrai impact positif.
Et d’ailleurs, ce prix est plus faible, plus élevé globalement que le marché, ou ?
AB – Alors je ne saurais pas dire pour partout, mais en tout cas chez nous, on estime qu’il est entre 10 et 15% moins cher pour l’usager final.
MN – J’avoue que quand je parle d’un réseau de chaleur en général, thalassothermique ou non, je mets surtout en avant l’idée que le prix est stable, c’est la stabilité. On parle d’horizon 2030, 2050 quand on parle décarbonation, et je pense que ce qu’il faut vraiment mettre en avant, c’est surtout la stabilité du prix face à des énergies fossiles en effet, qui peuvent varier comme on l’a vu ces 2 dernières années, voire 3 dernières années. Donc le prix, oui, c’est quand même un énorme avantage également.
Même en termes d’impact ? ça a un impact ou pas la transformation, etc. ?
KP – Alors aucun en fait, puisqu’on injecte juste un peu d’électricité, et donc en France, l’électricité est très décarbonée, et donc ce qui fait que, localement, il n’y a aucune émission de quoi que ce soit dans l’air puisqu’il n’y a pas de cheminée nulle part, on est que sur de la production de chaleur et de froid à partir de thermofrigopompe, qui va s’équilibrer sur l’eau de mer ou les eaux usées, c’est pareil. Puis d’ailleurs c’est la même chose à Nice en fait, le local principal de production est dans la station d’épuration. Et après, sinon, ce n’est qu’en pied d’immeuble.
Vous parliez de climatisation et aujourd’hui on sait bien que la clim’, c’est hyper négatif pour l’environnement. Donc est-ce que ça pourrait justement être une solution pour rafraîchir nos villes ?
AB – ça peut l’être, oui bien sûr. Enfin, nous, sur notre ZAC de Nice Meridia, on a donc ce réseau et on a proposé sur plusieurs lots, et notamment d’habitations, de ne pas climatiser mais d’utiliser en fait de l’eau rafraîchie. Donc c’est une eau qui va être à 15°, qui va être soit en plancher soit en radiateur, et qui va venir rafraîchir l’air mais sans qu’on soit obligé de climatiser.
AV – Donc l’air ambiant, de partout ?
AB – De l’air rafraîchi, oui.
MN – La différence entre rafraîchissement et climatisation, c’est que, pour la climatisation, on va en fait mettre un thermostat et on va dire « je veux atteindre, je dis n’importe quoi, 18° » alors qu’il fait 30 dehors. L’idée du rafraîchissement, c’est qu’on prend la température extérieure et on lui enlève quelques degrés. Donc le rafraîchissement sera toujours proportionnel à la température extérieure, on aura moins chaud qu’à l’extérieur
AV – D’où l’importance de décarboner aussi pour décélérer ce réchauffement climatique.
KP – Aujourd’hui, c’est un besoin. Je pense qu’avec le réchauffement climatique, et on le voit bien en habitant en bord de Méditerranée, même s’il y a aussi des impacts, des évolutions importantes des nouveaux bâtiments qui prennent en compte ces aspects, à terme, je pense qu’on aura besoin de climatisation, enfin de rafraîchissement de climatisation, mais on en aura besoin de toute façon.
Donc c’est pour ça que ces réseaux-là qui permettent de produire du chaud et du froid de manière très efficace en même temps – parce qu’on a quand même souvent besoin de prendre une douche quand même, alors même si elle a besoin d’être moins chaude en été – mais on aura besoin des 2, du chaud et du froid en même temps. Et bien c’est extrêmement efficace et ça n’émet rien non plus dans l’atmosphère comme on se disait tout à l’heure.
Donc voilà, on est sur des solutions technologiques qui sont environnementalement très performantes, qui utilisent les ressources locales et donc qui permettent de faire front, je ne sais pas si on peut le dire comme ça, positivement aux défis climatiques qui nous entourent.
Alors, c’est quoi les inconvénients de cette thalassothermie ?
AB – Le prix !
AV – De l’installation, c’est ça ?
AB – Le prix d’investissement initial, oui, qui est assez important, même s’il y a des aides publiques qui participent largement à l’effort et qui nous permettent de financer, c’est vrai qu’il y a un investissement de départ qui est important et un amortissement qui est assez long dans la durée. Donc il faut aller faire l’effort au démarrage, que ce soit la collectivité ou des investisseurs privés comme Dalkia, c’est vrai qu’il y a un gros effort à fournir au démarrage pour installer
AV – Et que… que ça ?
MN – Non, non. Pour avoir une ville millénaire qui a de très vieux bâtiments, aujourd’hui, par exemple, le système MASSILEO est installé sur un nouveau quartier, donc avec des bâtiments neufs qui sont en fait compatibles avec de la moyenne température. Quand vous voulez connecter d’anciens bâtiments qui appellent de la haute température, alors on rencontre un premier problème en fait, car on a une nouvelle technologie qui ne peut pas toujours répondre à l’ancienneté des bâtiments.
KP – Alors c’est plus compliqué mais ça se met en œuvre quand même. On est en train de construire un réseau à la Grande Motte sur des anciens bâtiments, alors pas centenaires mais la ville a été construite dans les années 60 je pense, donc on a effectivement des bâtiments qui ont besoin d’un niveau de température de chauffage un peu plus élevé que les bâtiments récents, mais, comme en même temps, la technologie évolue et que les thermofrigos, les pompes à chaleur produisent plus facilement à haute température, on arrive quand même à le faire !
Mais c’est vrai que ce type de réseau est d’autant plus adapté à des nouveaux bâtiments. Alors l’inconvénient du coup, c’est que souvent on les installe dans des zones, dans des ZAC, des zones qui vont se développer. Et comme les investissements sont lourds, c’est une vraie difficulté aussi, autant pour les collectivités que pour les opérateurs privés, d’investir en ayant une vision de quand les bâtiments vont sortir, quand on va commencer à vendre la chaleur et le froid.
Donc c’est aussi ça qu’on rencontre comme difficulté.
AB – Il y a aussi et c’est pareil pour tout, dès qu’on parle un peu innovation environnementale, il y a aussi une part d’acceptation du public qui n’est pas forcément facile et notamment parce que nous, on est sur la nappe alluviale du Var, donc qui est aussi la nappe qui fournit en eau potable tout le littoral et, du coup, par méconnaissance, c’est vrai qu’on a eu, au démarrage, des critiques sur : « vous prenez l’eau de la nappe », « vous la rejetez », « trop chaud, pas assez chaud » donc il y a aussi une part d’acceptation sociale mais pour tous les sujets environnementaux qui émergent un peu.
KP – Un des problèmes de la thalassothermie, c’est quand même le réchauffement de l’eau de la mer et la réglementation actuelle qui nous interdit de rejeter dans la mer au-delà de 30°, et donc normalement on prélève 5°, donc ça va bien quand elle est à 25 et qu’on rejette à 30 ! Si l’eau de mer en profondeur où on capte commence à monter à 28/29, alors, je suis une convaincue que la réglementation va changer parce que tout l’écosystème va changer. MN – L’idée serait d’aller puiser de plus en plus profond en fait dans la mer, comme ça se fait à… AV – Monaco ?
KP – Non mais Monaco, c’est nickel. A Monaco, ils vont capter à 40 m et donc ça marche super bien !
AV – Et ça n’a pas d’impact sur la biodiversité ?
KP – Non parce que plein d’études ont été faites et montrent que ce qu’on rejette, du coup le delta de 5° en fait, ça n’a pas d’impact et le panache est extrêmement faible donc ça n’impacte pas les poissons, les algues, etc. Etpuis on fait toujours des études d’impact avant de faire les projets ! Donc non, et ce ne sont que quelques degrés d’écart.
En revanche, quand on regarde comment ça s’échauffe, nous, on a eu des moments où la mer elle a 28°, et quand elle est à 28°, ça veut dire qu’on a le droit de ne prendre que 2°. Et là techniquement ça devient beaucoup plus compliqué, ça nous demande de plus tourner sur notre réseau, donc de plus consommer d’électricité.
Et comment justement un tel projet s’insère avec les autres projets en termes d’aménagement, puisque j’imagine que c’est une sorte d’écosystème finalement ?
AB – Ah oui, ce sont des écosystèmes, des mix. Nous, c’est vrai que dans la plaine du Var, donc sur l’éco-vallée, on a eu la volonté, dès le démarrage, de mettre en œuvre de l’énergie renouvelable. On l’a même rendu obligatoire à travers un référentiel de qualité environnementale sur toute l’opération d’intérêt national et en fait, les réseaux, c’est un peu le top de ce qui se fait en en matière d’énergie renouvelable.
Du coup c’est vrai que on sur chacune de nos opérations, on teste la possibilité de le faire et dès que ça a été possible on l’a fait. Et c’est donc vrai que sur la partie Nice ouest, ça marche très bien.
Après, on a voulu le faire également sur les collines mais là, c’était beaucoup plus compliqué. Donc voilà ce n’est pas toujours adapté à tout.
Enfin, de toute façon, l’énergie, il faut mixer, on ne va pas faire que des réseaux, il faut faire du réseau, il faut faire du photovoltaïque, il faut faire tous les types d’énergies renouvelables et mixer tout ça pour gagner en autonomie. Et je pense que l’enjeu il est vraiment là…
MN – Oui, parce qu’il ne faut pas oublier que nous sommes des villes méditerranéennes donc, oui on est en littoral, mais non, tout le territoire n’a pas accès à la mer en fait. Donc le problème majeur qu’on va rencontrer dans une ville comme Marseille, c’est que vous avez des territoires aujourd’hui extrêmement denses à l’Est de la ville, alors que la mer est à l’Ouest.
Donc en fait, la thalassothermie peut tout à fait desservir tout le littoral et tous les bâtiments qui s’y trouvent, par contre les bâtiments qui sont beaucoup plus loin… alors par interconnexion, peut être que dans 50 ans, ils seront en effet connectés à la mer. Mais là encore, même en termes de puissance, c’est autre chose. Donc je pense que c’est ça en fait, les ENR oui mais toutes les ENR et pas que la thalassothermie, bien qu’elle soit très intéressante.
On parle beaucoup de thalassothermie, mais il y a la récupération de chaleur sur les eaux usées. Est-ce qu’on peut aussi illustrer cet exemple, essayer de comprendre les tenants et aboutissants, comment on met en place ce type de projet ?
AB – De la même façon que la thalassothermie, à peu de chose près. En fait, on a des stations d’épuration. En sortie de station d’épuration, on a une eau qui est assez chaude, tiède. Et du coup, de la même manière, on va aller récupérer cette eau tiède qu’on va amener jusqu’au pied d’immeuble avec des échangeurs, on en parlait tout à l’heure, et en fait on récupère la chaleur de l’eau, mais l’eau on la renvoie à la mer quand même.
AV – Mais donc ça peut être mis partout ça aussi ? Ce qui veut donc dire qu’on n’est pas limité à la mer, c’est ce qui est intéressant.
KP – On peut installer ça effectivement en n’importe quelle sortie de station d’épuration. La technologie c’est exactement la même. En fait, on a un échangeur – alors y a 2-3 nuances techniques parce que, dans un cas on a la corrosivité de la mer qui est salée, dans l’autre cas, on a des eaux en sortie de station d’épuration qui sont propres, mais en entrée on peut le faire aussi avec des eaux chargées et là, on va avoir pas mal de résidus, donc des échangeurs un peu différents. Mais dans les 2 cas, on n’utilise pas la ressource, que ce soit la mer ou que soit les eaux usées car en fait, on ne prend pas l’eau, c’est ça qui est important, on ne prend que les calories de l’eau.
Donc après on fait notre échangeur et après c’est exactement pareil que ce qu’on a expliqué. Un réseau d’eau tempérée avec soit effectivement une production centralisée et on part en chaud/en froid depuis la production centralisée, soit le réseau d’eau tempérée va jusqu’en pied d’immeuble et on produit en pied d’immeuble. Mais c’est juste l’équilibrage qui est soit sur la mer, soit sur des eaux usées plus ou moins chargées.
Donc finalement, l’obstacle aujourd’hui c’est le financement, c’est qu’il faut trouver des fonds nécessaires pour mettre en place…
AB – La volonté politique et le financement.
MN – Je pense aussi que c’est une solution qui avait été peu mise en avant jusqu’à présent parce que les STEP, ça ne faisait pas rêver grand monde quand même, les stations d’eaux usées et qu’on se retrouve à aller chercher de l’énergie un peu partout et qu’on se rend compte que là, on a une mine d’énergie et qu’il faut l’utiliser.
Dans le cadre de Marseille, on a la plus grande STEP souterraine d’Europe qui est juste derrière notre magnifique stade Vélodrome – parce qu’il faut quand même que je fasse un clin d’œil à l’OM – et en fait, aujourd’hui, on se rend compte que l’on récupère une partie de la chaleur dégagée par cette STEP, mais seulement à hauteur de 1 0% de son potentiel. C’est là où on se dit « Bin, pourquoi personne n’y a pensé avant ? » Alors le stade vélodrome y a pensé puisqu’il est refroidi et réchauffé sur la base de la récupération de chaleur. Maintenant, il faudrait qu’on le fasse à plus grande échelle, pour l’intégralité du quartier en fait.
AB – La solution, elle existe depuis quelques années, mais elle était faite à l’échelle individuelle, c’est à dire qu’on a de la géothermie sur sol par exemple, et on a de la géothermie sur nappe. Nous aussi, le stade Alliance à Nice est en géothermie sur nappe. Mais c’était des solutions individuelles. Là, la petite révolution, c’est de le faire à l’échelle d’un quartier entier avec un réseau entier alimenté. Et ensuite aller s’amuser à faire aussi de la flexibilité électrique, parce que ce sera peut-être le sujet d’un autre podcast, mais voilà, on peut aussi aller encore plus loin.
KP – Ce qu’on peut dire, c’est qu’on peut aussi combiner ces réseaux d’eau tempérée thalassothermie avec du photovoltaïque, puisqu’en fait ça, ça n’utilise que de l’électricité.
Donc si on arrive après, dans l’espace urbain, en fonction des contraintes, on l’a fait à une toute petite échelle à Gardanne qui est juste entre Marseille et Aix où on a mis les panneaux solaires et le réseau, du coup il fonctionne avec l’électricité des panneaux solaires, donc là c’est de la géothermie de nappe, on va dire ça comme ça.
De l’eau de mine en fait, c’est un truc un peu particulier, mais c’est de l’eau souterraine, voilà, ou de l’eau de mer et en fait, on conjugue – ce qu’on disait ensemble tout à l’heure – il faut mixer toutes les ENR et les énergies renouvelables et donc sur ce type de réseau, on est capable de bien mixer photovoltaïque et énergie de la mer ou du sous-sol.