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Parlons énergie : le stockage de l’énergie

Nicolas Rupp
Directeur général d’ECB éco chaleur de Brest

Cédric Paulus
Chef du Laboratoire des systèmes énergétiques
pour les territoires au CEA

Hugues Defréville
CEO de Newheat

A quoi ça sert le stockage de l’énergie ?

HD – Alors, vous l’avez bien dit dans votre introduction, le stockage de l’énergie, ça va particulièrement être important quand on parle d’énergie renouvelable et donc de chaleur renouvelable, et qu’on va vouloir développer et intégrer plus de chaleur renouvelable. Parce qu’en effet, quand on parle de renouvelable, on parle vite de moyens intermittents, notamment on parlait du solaire mais ça peut aussi être d’autres moyens qui donc ne produisent pas tout le temps, et notamment, pas lorsqu’on a besoin et lorsqu’on consomme cette chaleur. Et donc, le système de stockage va nous permettre justement de pouvoir faire le lien entre cette consommation et cette production.

NR – Je pense que c’est aussi l’effet qu’on peut amener sur une production de boost, c’est à dire qu’une capacité de production, elle est dimensionnée. La consommation derrière peut être très variable et l’avantage d’un stockage, c’est qu’il peut intervenir en surplus rapide d’une capacité de production existante.

Comment stocker cette énergie ?

CP – Alors pour stocker l’énergie thermique, c’est une façon très simple.
On peut imaginer un gros ballon d’eau chaude, donc on va chercher à avoir un volume d’eau dont on va augmenter la température, c’est ce qu’on appelle un stockage de type sensible, et ça permet d’avoir cette énergie disponible pour l’utiliser plus tard.
Après, on peut avoir différentes tailles en fonction de l’objectif qu’on cherche à atteindre de stocker plus ou moins longtemps l’énergie, pour avoir des stockages qui vont être, des fois pour passer des pics horaires ou journaliers, donc qu’on va appeler des stockages court terme ; et après des stockages plus moyen-long terme, voire inter-saisonniers, pour justement avoir un déphasage entre de l’énergie qui peut être disponible à certains moments de l’année, voire l’utiliser plus tard.
Et donc là, ça va être la taille du stockage qui va changer quand on est sur ce type de technologie, et donc on va pouvoir avoir des stockages qui vont de quelques dizaines de mètres cubes jusqu’à plusieurs centaines de milliers de mètres cubes, qu’on a pu voir expérimentés notamment dans des pays nordiques.

HD – Bien sûr ! Donc vraiment, et ce qu’il faut comprendre sur le stockage, c’est un élément central d’un système énergétique.
Donc dans la chaleur, puisque là on parle bien stockage de chaleur – aujourd’hui, la chaleur, je le rappelle, c’est la moitié des besoins d’énergie de l’humanité, donc c’est le principal sujet aujourd’hui en termes d’énergie dans le monde, et très largement carboné aujourd’hui, y compris en France. Donc on voit les enjeux sont importants.
Et donc, la chaleur, qu’est-ce que c’est ? C’est vraiment déjà une énergie qui est utilisée localement, donc on n’a pas de réseau électrique national avec des électrons qui vont à la vitesse de la lumière, il faut gérer pour chaque projet, un consommateur, un consommateur qui peut être un site industriel ou un réseau de chaleur, qui a une demande spécifique, qui est ce qu’elle est, et qui peut démarrer, s’arrêter et en face, on va donc mettre des moyens de production et on comprend bien – et ce que je disais tout à l’heure par rapport à l’intermittence, notamment du renouvelable – que pour que ce système-là marche bien, il faut cette brique, ce cœur battant, ce qui va être au milieu du système, et c’est le stockage.
C’est vraiment comme ça qu’il faut voir le stockage, il va faire ce lien entre la production et la consommation. Donc ça peut être pour justement déphaser la production et la consommation, ça peut être aussi, comme tout à l’heure vous le disiez bien, apporter une production supplémentaire, par exemple, le matin quand il fait très froid, qu’il y a un coup de chaud sur les réseaux de chaleur. NR – En en complément, on a un mot qui revient souvent dans nos métiers, c’est la chaleur fatale, nos outils de production, à certains moments, sont amenés à délivrer de la chaleur qui n’est pas consommée, et le stockage répond parfaitement à cette problématique de pouvoir capter ponctuellement cette chaleur dont on ne sait que faire, parce qu’on ne peut pas arrêter forcément les outils comme ça, au pied levé, récupérer cette chaleur fatale et la redistribuer un peu plus tard au moment des besoins.

Y a-t-il encore d’autres avantages ?

NR – Il y en a plein d’autres je pense. D’ailleurs, je vois mes collègues qui tressautent !
Il y en a un qui est très important, qui a déjà été plus ou moins évoqué, c’est la capacité du stockage à se décorréler du besoin instantané, et donc il a tout cet avantage ensuite de pouvoir être géré dans le temps, et donc répond notamment à une capacité de produire au moment où c’est le moins coûteux. Voilà, on produit de la chaleur au moment où c’est le moins coûteux, on la stocke et on la délivre. Donc ça, c’est un avantage aussi important.

CP – Je pense qu’en fait, il y a plein d’avantages ! Effectivement, on peut aussi s’en servir pour avoir une bonne adéquation, comme von disait tout à l’heure, entre la production et la demande. Après ça peut avoir d’autres avantages sur un réseau aussi, un réseau c’est finalement des tuyaux qui se baladent un petit peu partout dans la ville, qui ont une certaine capacité de distribution d’énergie.
Et donc, parfois, on arrive en limite de capacité de distribution et donc on est obligé, soit de faire des investissements pour changer la taille des tuyaux, ou soit, finalement parce qu’on a besoin de passer une certaine puissance qu’à certaines périodes de l’année, et bien, on peut intégrer des stockages de manière distribuée dans le réseau pour pouvoir éviter de faire des investissements sur des infrastructures elles-mêmes. Donc, en plus des aspects adéquation-production-demande, il peut y avoir également ces aspects-là.
Après, dès qu’on arrive, donc là je vous citais tout à l’heure les technologies possibles qui étaient du stockage sensible – on a un ballon d’eau chaude, on monte la température – Il y a vraiment d’autres technologies aussi sur lesquelles on commence à travailler plutôt au niveau recherche avec la problématique toujours du stockage, c’est la taille de l’objet en soi et donc derrière, en fait, on a des problématiques des fois d’intégration quand on est à des endroits où on a des tailles limitées, notamment si on fait du stockage distribué dans des réseaux de chaleur en sous station haute. Donc là on peut avoir des technos qui commencent à se développer avec des stockages en matériaux à changement de phase, donc c’est qu’on va faire changer la phase d’un matériau, comme ça se connait très bien pour l’eau, c’est des stockages en glace et donc là on va faire du stockage à 0 degré, et par contre on peut faire la même chose sur des stockages qui sont plutôt à 70, 80°.
Donc il y a des développements de ce type-là qui existent, qui commencent à être expérimentés sur des réseaux de chaleur qui s’intègrent dans des sous stations. Et là, l’intérêt c’est qu’on divise par 2 ou par 3 la taille du stockage.

Et est-ce que ça peut être implémenté partout justement ce type stockage ?

CP – Donc, il n’y a pas de contrainte d’implantation technique, il faut que ça soit adapté au niveau de température du réseau et là, on est plutôt quand même sur des niveaux de température inférieurs à 100°. Et effectivement, il faut qu’il y ait la place qui soit disponible.

AV – Et en termes de coût, c’est un gros investissement ?

CP – Donc en termes de coût, là on est encore sur des technologies, notamment sur le stockage en matériaux à changement de phase, qui sont en développement et en maturation. Donc ce sont des coûts plus élevés que le stockage en eau. Et c’est vrai, comme disait Hugues tout à l’heure, le stockage thermique sous forme d’augmentation du stockage sensible d’eau chaude, c’est quelque chose qui est mature, qui peut se développer massivement et qui est à un coût très très faible par rapport au stockage de l’électricité ou d’autres types d’énergie.

HD – Peut-être pour parler un peu pratiquement, pour que les auditeurs puissent voir un peu à quoi ça ressemble le stockage de chaleur : on parle donc d’une grande cuve d’eau chaude et donc, il y a plusieurs types de cuve d’eau chaude – on peut faire des très grandes cuves.
Par exemple, nous, sur nos centrales solaires thermiques, on vient de mettre en œuvre une cuve de 3000 m3 sur une usine d’industrie laitière, des cuves de plusieurs milliers de mètres cubes donc ! ça peut paraître énorme, c’est plus qu’une piscine olympique, ça prend un peu d’espace au sol ! ça peut prendre 100-200 m² au sol, ça monte jusqu’à 12 m de haut et avec ce système de stockage, on peut stocker plusieurs centaines de mégawattheures.
On va stocker 150-200 mégawattheures, alors ça dépend du delta de température, les experts feront bien sûr le calcul en termes de stockage, mais on voit bien que le service rendu est important. C’est vraiment assez intense. Pourquoi ?


Parce que la capacité calorifique de l’eau est quand même assez importante et on va utiliser un médium qui est l’eau, qui reste quand même une ressource qui est déjà peu dangereuse, qui est très abondante, qui reste peu chère et on parle vraiment au niveau de l’échelle qu’on consomme – par exemple, je rappelle que la consommation d’eau potable par habitant en France, elle est je crois autour de 58 m3, donc au niveau national, on voit les milliards de mètres cubes qu’on utilise.
C’est pas grand-chose, remplir une fois un système de stockage pour ensuite l’utiliser pendant 20 ans, 30 ans, les mêmes molécules d’eau vont être utilisées, donc il y a pas de consommation d’eau, il y a vraiment là au niveau de la ressource eau, on l’utilise très peu, il y a pas de risque pour l’environnement, c’est peu cher et c’est vraiment efficace.
Ça, c’est vraiment les stockages sous forme de cuve, l’acronyme anglais est « Tank Thermal Energy Storage – TTES » et après, on peut aller vers des solutions effectivement saisonnières, comme parlait Cédric, et on travaille notamment sur le système de stockage en fosse.
En anglais, on appelle ça « Pit Thermal Energy Storage – PTES » et donc, il faut imaginer de faire un grand trou dans le sol qui fait plusieurs hectares, qui va faire 10-20 m de fond, et dans lequel on va stocker plusieurs centaines de milliers de mètres cubes et c’est ce que disait Cédric tout à l’heure.
On met un liner au fond, comme une piscine, et on va mettre une couverture flottante isolante sur le dessus. Et donc cette masse d’eau, c’est le même fonctionnement, même principe qu’une cuve, on va la chauffer l’été, par exemple avec du solaire thermique ou alors avec de la chaleur fatale – par exemple d’incinérateur d’ordures ménagères qui sont excédentaires en chaleur, c’est à dire qui envoie de la chaleur aux petits oiseaux parce que le réseau de chaleur ne consomme pas suffisamment l’été pour l’utiliser – Donc on va stocker cette chaleur et l’hiver au cœur de l’hiver, quand il fait moins -5/-10° dehors, on va pouvoir utiliser cette chaleur qui sort à 60-70° du stockage. Et voilà ? avec un peu de perte de rendement, mais on parle de 20-30% de perte de rendement sur 6 mois.

Y-a-t-il des exemples en France ?

NR – Non, moi je ne connaissais pas bien ce principe que je trouve hyper innovant ! Il y a un exemple actuellement en construction en France ?

CP – Donc, en France il n’y a pas encore d’exemple sur du stockage inter-saisonnier en en pit…

HD – Bientôt, bientôt, on croise les doigts !

CP – Beaucoup de projets qui sont effectivement lancés, qui ont envie d’aboutir. Par contre, il y a une techno qui est vraiment, je dirais, mature. Elle existe depuis plus de 20 ans dans des pays nordiques, ça avait émergé en Allemagne dans les années 90. Oui, ça fait même plus de 30 ans maintenant…

HD – Ils enterraient des cuves, c’était une techno légère, un peu différente, mais ils enterraient.

CP – Et après, ça s’est vraiment massivement développé au Danemark avec les premières qui faisaient 10 000 m3, puis 50 000, puis 70 000, puis la dernière, elle fait plus de 200 000 m3. Et donc du coup, ils ont vraiment développé ça en lien avec, initialement, le développement de l’énergie solaire thermique, avec la particularité, comme on sait, du solaire qui est disponible plutôt en été, ils voulaient l’utiliser en hiver et donc ça a vraiment développé massivement derrière les stockages inter saisonniers et ça fonctionne depuis 15 ans, 20 ans sans problème.

Vous avez un super exemple, qui est le miroir des énergies ! Peut-on faire un petit focus là-dessus ?

NR – C’est un bel objet. D’ailleurs, j’incite toutes les personnes qui nous écoutent à aller sur le site éco chaleur de Brest pour voir un petit peu le visuel de cet outil.
Alors, avant d’être beau, il est surtout utile et efficace. Il est né de 2 constats. Un, nous avions ce réseau chaleur de Brest qui est un gros réseau de plus de 60 km. Nous avions un gros consommateur, l’université de Brest occidentale l’UBO, qui, dans son mode de fonctionnement, fait un gros appel de chaleur tous les matins.
Et donc un réseau de chaleur, on l’a beaucoup dit, ça a une capacité de transport qui est limitée. Et à un moment, quand on a des consommateurs qui tirent à peu près tous en même temps et beaucoup, on arrive à une limite de capacité et donc, les gens n’arrivent pas à se chauffer comme ils le souhaitent pendant cette phase-là.
Donc, devant ce constat, on avait un autre constat qui était que, à d’autres moments de la journée ou de la semaine, nous avions des phases où nos outils de production de chaleur qui sont sur ce réseau, nos 2 outils d’énergie renouvelable ou de récupération – qui sont l’usine d’incinération et de valorisation énergétique des déchets de Brest et la biomasse qui est un peu plus loin, donc chaufferie bois – avaient des capacités de production pas forcément utilisées.
L’idée est donc venue de créer ce stockage directement. Sur enfin chez ce gros consommateur, l’UBO, c’est vraiment tout à côté de la fac, et de recharger cet outil pendant les phases où nous n’engagions aucun gaz dans les chaufferies d’appoint afin de pouvoir délivrer le matin au moment où l’appel de puissance est le plus fort, cette chaleur sans ouvrir/allumer des chaudières gaz de complément.
Donc l’idée est simple, c’est d’économiser du gaz et donc de l’envoi dans l’atmosphère de CO2 et d’être efficace en plus, il y a donc ces 2 aspects.
Donc l’outil a été construit avec une capacité à peu près de 1000 m3 d’eau stockée. C’est un outil qui fait 20 m de haut, qui est voyant et c’est la raison pour laquelle on a voulu qu’il soit joli. Il contient à peu près en puissance 5 mégawatts et on monte l’eau à 96° le temps d’une décharge, c’est à peu près 4 h pour redescendre l’eau à 75°, on a des contraintes de température de circulation d’eau dans les réseaux, on ne peut pas descendre plus bas. Et donc on est en mesure de délivrer pratiquement 20 mégawattheures à la fac le matin, pendant sa phase de remontée en température. Donc voilà l’utilité de cet outil.

Quel est l’intérêt du stockage de la chaleur pour le solaire ?

HD – Bien écoutez, c’est vraiment en termes de fonctionnement très similaire. De toute façon c’est normal, on parle des mêmes objets que ce qu’on vient de raconter et ce qui est vraiment une très belle réalisation sur le réseau de chaleur de Brest…

AV – Incroyable, j’ai la photo sous les yeux.

HD – …Oui, oui vraiment incroyable. Nous, clairement, on ne fait pas des cuves aussi belles, là vraiment architecturalement il y a eu…

NR – On vous donnera le nom de notre architecte !

HD – …Ah c’est vraiment non mais vraiment magnifique. Et donc le solaire thermique, comme on le disait, ça a une variabilité saisonnière mais aussi et surtout, journalière, diurne/nocturne, c’est à dire qu’il y a du soleil en journée et moins la nuit ! Je pense qu’on peut s’accorder là-dessus !
Et donc l’idée c’est déjà d’avoir un système de stockage qui permet de livrer au client la nuit aussi. Mais également les jours de mauvais temps. Donc ce qui nous amène aujourd’hui à dimensionner les systèmes de stockage de base dans tous nos projets de centrale solaire thermique, on a forcément un système de stockage qui permet de stocker 3 à 4 jours de production maximale de la centrale et donc de consommation du client ; et ce qui nous permet, dans le cas d’un réseau de chaleur – je vais prendre un bel exemple qu’on a réalisé sur la ville de Narbonne où on a donc dimensionné une centrale solaire thermique qui va nous permettre de couvrir à peu près 100% du besoin estival.

Quelles sont les perspectives pour ce stockage ? Parce que c’est quand même clé aujourd’hui pour le renouvelable…

NR – Je pense que le stockage répond aussi à un mode de fonctionnement qui commence à évoluer fortement chez les consommateurs, chez nous. La sobriété énergétique qu’on appelle tous de nos vœux et sur laquelle on incite également nos clients à se former, et à faire évoluer les consommateurs de nos réseaux de chaleur, a un effet aussi dans le mode de consommation et notamment, dans le fait de réduire énormément certaines phases de consommation, notamment la nuit. Ça a commencé à se voir sur nos réseaux. Parce que le réseau, c’est relativement lent comme outil à réagir et nos clients, par intérêt de sobriété, coupent de plus en plus fortement ou baissent de plus en plus fortement leurs consignes de chauffage le soir, la nuit et réappellent du coup très fortement le matin 1 heure ou 2 avant le réveil, ce que l’on voyait moins il y a quelques années. Et cet effet-là rend encore plus justifié la notion de stockage parce que, comme je l’ai dit, un réseau de chaleur et les outils qui sont autour pour produire, n’ont pas forcément la capacité instantanée de redonner l’énergie nécessaire pour réchauffer tout le monde, ou en tout cas, sans le gaz, c’est très compliqué. Et comme on veut tous éviter de consommer du gaz, la notion de stockage prend encore plus d’enjeux, prend encore plus d’ampleur dans tous nos systèmes.

CP – Et bien je dirais que le stockage, pour moi, il va être là dans le futur pour accompagner le développement des énergies renouvelables et de récupération – ce qu’on souhaite faire sur les réseaux de chaleur – parce qu’il va justement permettre d’assurer cette adéquation quand la chaleur fatale est disponible ou quand le solaire thermique est disponible par rapport à l’usage,  donc ça aide vraiment je pense, un développement qui va accompagner le développement des énergies renouvelables et de récupération.
Après, pour faire ça, il va falloir finalement réaliser des installations. On se rend compte qu’il y a des technologies déjà matures qui fonctionnent, donc en gros, il va falloir faire pour que, finalement, on ne se pose plus la question et que ça devienne un standard comme les autres technologies, qu’on se dise « on fait un réseau de chaleur, il y a des moyens de production, il y a du stockage » et ça devient naturel de le faire !

AV – Et comment on fait pour que ça soit naturel ?

CP – Il faut faire les premières installations, que les personnes voient que ça fonctionne, que ce n’est pas compliqué, il faut en parler, comme on le fait aujourd’hui, et après en réaliser, voire faire visiter, et après ça, les gens vont les dimensionner, vont les réaliser et ça va fonctionner de manière un peu naturelle. Cela étant, je pense qu’il va y avoir aussi des enjeux plus techniques, un peu sur l’accompagnement, sur le pilotage de ces installations, parce qu’on se rend compte qu’une fois qu’elles existent, pour que ça fonctionne bien, il faut pouvoir l’utiliser à un bon moment en fonction des autres moyens de production qui sont disponibles.
Donc là, il va y avoir des enjeux de bien maîtriser ces installations pour bien les piloter, pour utiliser le stockage au bon moment, en fonction de ce qu’on cherche à faire, l’objectif étant quand même de faire des choses qui coûtent le moins cher possible, aussi d’un point de vue stockage.
D’autres possibilités sur le stockage thermique qui ne coûtent pas très cher, c’est d’utiliser des installations qui sont déjà existantes et, via uniquement du pilotage, de stocker de l’énergie. Ça, on commence à faire des choses, ça existe déjà : on peut piloter la température au sein des tuyaux d’un réseau de chaleur pour stocker de l’énergie dans les infrastructures qui sont déjà existantes. Et donc là, c’est juste en anticipant des appels de puissance qui peuvent avoir lieu le matin, comme citait tout à l’heure mon collègue, et du coup on va anticiper cette montée en température en amont pour stocker de l’énergie au sein même des tuyaux.
Après, on a d’autres moyens, on peut également utiliser l’inertie des bâtiments qui finalement, via la masse de béton et autres, a une capacité d’accumuler de l’énergie pendant quelques minutes ou quelques heures sans avoir d’impact sur le confort de l’usager. Et donc, on va devoir faire de la gestion de la demande pour pouvoir finalement effacer des appels de puissance sur le réseau. Et là on se rend compte que les tuyaux sont déjà là, ils existent, les bâtiments, ils existent déjà, et c’est juste une règle de l’intelligence du pilotage où on va pouvoir faire ce stockage donc c’est sans coût à mettre en œuvre derrière !

Mais il y a quand même de la formation et aussi de la création de nouveaux emplois, j’imagine, pour pouvoir piloter. Ou de la transformation d’emploi existant ?

NR – En tout cas, il est nécessaire de mettre beaucoup d’intelligence dans nos systèmes ! Comme on disait, un système qui est une réserve d’eau, ce n’est pas très complexe. L’intégrer à un système de réseau de chaleur, l’intégrer à des consommateurs industriels qui ont des besoins particuliers, etc., on met de plus en plus d’intelligence dans nos systèmes.
Au départ, l’intelligence, ce sont nos collaborateurs, et aussi les aides informatiques qu’on peut leur donner. Chez Dalkia, on a un logiciel qui, à la seconde, analyse toutes les consommations, qui est capable de détecter des anomalies, etc., enfin, ça c’est de l’aide à la conduite et c’est très nécessaire par rapport à ces réserves d’eau, ça paraît simple comme ça, c’est quand même des choses qu’il faut piloter précisément.

HD – Oui, les perspectives, je pense qu’on l’a dit, sont donc brillantes, c’est une vague, là on est au milieu et c’est obligatoire, je pense qu’il n’y a pas l’ombre d’un doute, le développement du stockage de chaleur est une nécessité pour atteindre nos objectifs de décarbonation. Je rappelle qu’aujourd’hui, la chaleur en France est 20 % décarbonée, l’objectif est de passer à 45 puis à 55 %, l’objectif est donc colossal et pour ça, il faut accélérer le stockage qui, on l’a vu, existe déjà. Nous, on a 5 installations, 5 systèmes de stockage, on prévoit d’en construire 15 autres dans les 3 prochaines années. Ce sont des systèmes de stockage à chaque fois différents, donc ça existe vraiment, ce n’est pas un sujet. Et il y a effectivement beaucoup de recrutement, on a une vraie expertise française là-dessus je pense.